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ris plus souvent que je m’indigne, mais pendant ce temps-là j’oublie.

Aujourd’hui, madame, c’est plus que jamais le tour du grotesque, et nous voilà en pleine parade.

Nonobstant les découragements de monsieur de l’Estorade, nous sommes induits à penser que le ministère a reçu de son agent des nouvelles peu rassurantes, et voici ce qui semble autoriser cette supposition.

Nous n’habitons plus l’hôtel de la Poste, nous l’avons quitté pour notre château ; mais, grâce à la rivalité qui de tout temps a existé entre la Poste et le Mulet où monsieur de Trailles a installé son quartier général, nous avons gardé dans notre ancienne résidence des intelligences d’autant plus zélées et d’autant plus bienveillantes, que notre hôtelier n’est pas resté étranger à l’organisation pour lui, je pense, assez fructueuse, du grand banquet dont j’ai eu l’honneur de vous faire parvenir la relation.

Or, par cet homme, nous avons appris que presque aussitôt après notre départ est descendu à son hôtel un journaliste arrivant de Paris. Ce monsieur, dont je ne sais plus le nom et pour son honneur, attendu la glorieuse mission dont il est chargé, autant vaut que je l’aie oublié, ce monsieur, disais-je donc, s’est aussitôt annoncé comme un pourfendeur qui venait apporter le renfort de sa verve parisienne à la polémique que la presse locale, subventionnée par le bureau de l’esprit public, avait été chargée de diriger contre nous.

Jusque-là il n’y a rien de très-gai, ni rien non plus de très-attristant ; depuis que le monde est monde, les gouvernements ont toujours trouvé des plumes à vendre, et jamais ils ne se sont faits faute d’en acheter ; mais là où commence la comédie, c’est dans la co-arrivée et dans la co-présence à l’hôtel de la Poste d’une demoiselle de vertu très-problématique, dont Son Excellence Monseigneur le journaliste ministériel se présenterait accompagné.

Le nom de la demoiselle, par exemple, ne m’est pas échappé ; sur son passe-port elle s’appelle mademoiselle Chocardelle, rentière ; mais le journaliste, en parlant d’elle,