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de notre ami, on les fait encore, d’un autre côté, en disant aux braves électeurs qu’on veut embaucher, quelque chose de plus vrai et qui ne frappe pas moins leurs esprits. C’est ce monsieur, va-t-on leur répétant, qui a acheté le château d’Arcis ; et comme le château d’Arcis, qui plane au-dessus de la ville, est connu de toute la contrée, c’est à ces bonnes gens comme un point de repère ; mais, en même temps, toujours prêts à retourner aux vieux souvenirs du passé, bien moins morts et enterrés qu’on ne pourrait se le figurer : Ah ! c’est le seigneur du château, disent-ils, en donnant de l’idée qu’on leur présente une traduction respectueuse et libre.

Et voilà, madame, sauf votre respect, comment se traite la cuisine électorale et la manière dont s’opère la cuisson d’un député.


CHAPITRE XVI

MARIE-GASTON À MADAME DE L’ESTORADE


Arcis-sur-Aube, 11 mai 1839.
Madame,

Vous me faites l’honneur de me dire que mes lettres vous amusent, et vous m’engagez à ne pas craindre de les multiplier. Cela n’est-il pas pour moi bien humiliant, et après l’affreux malheur qui a été le premier lien de notre connaissance, m’est-il encore permis dans tout le reste de ma vie de me montrer un homme amusant ? Mais, je vous l’ai dit, je suis ici dans une atmosphère qui me grise. Il m’a pris comme une passion du succès de Sallenauve, et, en ma qualité d’esprit sombre et chagrin, peut-être encore une passion plus forte d’empêcher le triomphe de l’ineptie et de la sottise patronnée par le vil intérêt et l’intrigue. Merci donc, monsieur de Trailles, de l’exhibition que vous nous avez faites de votre burlesque beau-père ! Vous êtes parvenu à m’intéresser à quelque chose : par moments, je