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volution, pendant l’Empire et pendant les premiers jours de la Restauration.

Achille Pigoult, âgé d’environ trente-deux ans, avait été dix-huit ans clerc chez le vieux Grévin, sans avoir l’espérance de devenir notaire. Son père, fils du juge de paix d’Arcis, mort d’une prétendue apoplexie, avait fait de mauvaises affaires.

Le comte de Gondreville, à qui le vieux Pigoult tenait par les liens de 1793, avait prêté l’argent d’un cautionnement, et avait ainsi facilité l’acquisition de l’étude de Grévin au petit-fils du juge de paix qui fit la première instruction du procès Simeuse. Achille s’était établi sur la Place de l’Église, dans une maison appartenant au comte de Gondreville, et que le pair de France lui avait louée à si bas prix, qu’il était facile de voir combien le rusé politique tenait à toujours avoir le premier notaire d’Arcis dans sa main.

Ce jeune Pigoult, petit homme sec dont les yeux fins semblaient percer ses lunettes vertes qui n’atténuaient point la malice de son regard, instruit de tous les intérêts du pays, devant à l’habitude de traiter les affaires une certaine facilité de parole, passait pour être gouailleur, et disait tout bonnement les choses avec plus d’esprit que n’en mettaient les indigènes dans leurs conversations.

Ce notaire, encore garçon, attendait un riche mariage de la bienveillance de ses deux protecteurs, Grévin et le comte de Gondreville. Aussi l’avocat Giguet laissa-t-il échapper un mouvement de surprise en apercevant Achille à côté de monsieur Philéas Beauvisage.

Ce petit notaire, dont le visage était couturé par tant de marques de petite vérole qu’il s’y trouvait comme un réseau de filets blancs, formait un contraste parfait avec la grosse personne de monsieur le maire, dont la figure ressemblait à une pleine lune, mais à une lune réjouie.

Ce teint de lys et de roses était encore relevé chez Philéas par un sourire gracieux qui résultait bien moins d’une disposition de l’âme, que de cette disposition des lèvres pour lesquelles on a créé le mot poupin.

Philéas Beauvisage était doué d’un si grand contentement