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sous cette bannière que se présente notre candidat. Évidemment donc, l’apport qui lui est assuré de ce côté a son utilité et son importance.

Ainsi que je l’ai fait d’abord, vous admirerez, madame, l’habileté en quelque sorte bicéphale de cette vieille religieuse trouvant le moyen d’être en bonne posture auprès de la noblesse et du clergé séculier, et d’autre part menant à la baguette le parti radical, leur éternel ennemi.

Admirable de charité et de lumières, considérée dans tout le pays comme une sainte, et pendant la révolution, exposée à une terrible persécution qu’elle a supportée avec un rare courage, on s’explique parfaitement ses bons rapports avec les classes élevées et conservatrices ; mais qu’elle soit de même la bienvenue auprès des démocrates et des démolisseurs, cela ne passe-t-il pas toute idée ?

La haute domination qu’elle exerce sur le parti révolutionnaire tient, madame, à un petit démêlé qu’ils ont eu jadis ensemble ; vers 93, cet aimable parti avait comploté de lui couper le cou.

Chassée de son couvent, et convaincue d’avoir donné asile à un prêtre réfractaire, elle avait été incarcérée, traduite au tribunal révolutionnaire, et condamnée à monter sur l’échafaud.

Il fut référé de la chose à Danton, qui siégeait alors à la Convention.

Danton avait connu la mère Marie-des-Anges ; il la tenait pour la femme la plus vertueuse et la plus éclairée qu’il eût jamais rencontrée. En apprenant sa condamnation, il entra dans une effroyable colère, écrivit, comme on disait alors, une lettre à cheval à la municipalité révolutionnaire, et, d’une autorité que personne à Arcis ne se serait imaginé de contester, ordonna un sursis.

Le même jour, il monta à la tribune, et après avoir parlé d’une manière générale de quelques sanglants imbéciles qui, par leurs sottes fureurs, compromettaient l’avenir de la révolution, il dit ce qu’était la mère Marie-des-Anges, insista sur sa merveilleuse aptitude à élever la jeunesse, et présenta un projet de décret en vertu duquel elle était placée à la