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sous le poids des mystères dont on la charge sans merci ni relâche.

— En vous voyant, dans un moment décisif pour votre avenir, livré à des doutes que tout le procédé dont on use avec vous depuis tant d’années peut assurément justifier, je serais vraiment désespéré, me répondit Jacques Bricheteau, si je n’avais que des raisonnements ou des affirmations personnelles à y opposer. Mais vous vous rappelez qu’hier le vieux Pigoult parla d’une tante que j’ai dans le pays, où bientôt, je l’espère, vous apercevrez qu’elle occupe une situation assez considérable. J’ajoute que le caractère sacré dont elle est revêtue doit donner à sa parole une complète autorité. Dans tous les cas, j’avais arrangé que nous la verrions dans la journée ; mais, dans un instant, seulement le temps de me raser, nous allons nous rendre malgré l’heure matinale au couvent des Ursulines. Là, vous interrogerez la mère Marie-des-Anges, qui, dans tout le département de l’Aube, a la réputation d’une sainte, et je pense qu’à la suite de notre entrevue avec elle aucun nuage n’existera plus entre nous.

À mesure que ce diable d’homme parlait, il y avait dans sa physionomie un air si parfait de probité et de bienveillance ; sa parole, toujours calme, élégante et maîtresse d’elle-même, s’insinuait si bien dans l’esprit de son auditeur, que je sentais baisser le flot de ma colère et renaître ma sécurité.

Au fait, sa réponse est irrésistible : la maison des dames ursulines, que diable ! ne peut pas être un atelier de fausse monnaie, et si la mère Marie-des-Anges me cautionne mon père, comme il paraît déjà qu’elle l’avait cautionné au notaire, je serais fou de persister dans mes doutes.

— Eh bien ! dis-je à Jacques Bricheteau, je vais remonter prendre mon chapeau et vous attendre en me promenant sur les bords de l’Aube.

— C’est ça ! et surveillez la porte de l’hôtel, que je n’aille pas déménager brusquement, comme autrefois au quai de Béthune.

On n’est pas plus intelligent que cet homme ; il a l’air de