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— Il me semble, dit-il à son père, que j’ai la colique. Je sens une chaleur douceâtre au-dessous du creux de l’estomac, qui me donne des inquiétudes…

— Les plus vieux soldats, répondit le colonel, avaient une pareille émotion quand le canon commençait à ronfler, au début de la bataille.

— Que sera-ce donc à la chambre ?… dit l’avocat.

— Le comte de Gondreville nous disait, répondit le vieux militaire, qu’il arrive à plus d’un orateur quelques-uns des petits inconvénients qui signalaient pour nous, vieilles culottes de peau, le début des batailles. Tout cela pour des paroles oiseuses. Enfin, tu veux être député, fit le vieillard en haussant les épaules : sois-le !

— Mon père, le triomphe, c’est Cécile ! Cécile, c’est une immense fortune ! Aujourd’hui, la grande fortune, c’est le pouvoir !

— Ah ! combien les temps sont changés ! Sous l’empereur, il fallait être brave !

— Chaque époque se résume dans un mot ! dit Simon à son père, en répétant une observation du vieux comte de Gondreville qui peint bien ce vieillard. Sous l’Empire, quand on voulait tuer un homme, on disait : — C’est un lâche ! Aujourd’hui, l’on dit : — C’est un escroc !

— Pauvre France ! où t’a-t-on menée ! s’écria le colonel : je vais retourner à mes roses.

— Oh ! restez, mon père ! Vous êtes ici la clef de la voûte !


CHAPITRE III

OÙ L’OPPOSITION SE DESSINE


Le maire, monsieur Philéas Beauvisage, se présenta le premier, accompagné du successeur de son beau-père, le plus occupé des notaires de la ville, Achille Pigoult, petit-fils d’un vieillard resté juge de paix d’Arcis pendant la Ré-