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P. S. Tu n’es pas encore arrivé, cher ami, et je ferme ma lettre qui te sera remise par ma gouvernante, quand tu te présenteras à mon domicile, car je compte bien que ta première visite sera pour moi ; tu ne sauras pas encore, par conséquent, que je suis absent. Je suis allé ce matin chez les frères Mongenod ; les deux cent cinquante mille francs y étaient, mais avec l’accompagnement d’une circonstance bien extraordinaire : l’argent était au nom de Monsieur le comte de Sallenauve, dit Dorlange, statuaire, rue de l’Ouest, 42. Ainsi, malgré une désignation qui jusqu’ici n’avait jamais été la mienne, la somme en mes mains était bien à destination, et elle m’a été payée sans difficulté. J’ai eu assez de présence d’esprit en face du caissier pour ne pas paraître trop stupéfait de mon nouveau nom et de mon nouveau titre ; mais j’ai vu en particulier monsieur Mongenod, l’aîné, homme qui jouit dans la Banque de la plus belle réputation, et avec lui je me suis ouvert de mon étonnement, en lui demandant les explications qu’il serait en mesure de me donner. Il n’a pu m’en fournir aucune : l’argent lui est venu par un banquier hollandais, son correspondant à Rotterdam, et il n’en sait pas plus long. Ah çà ! que se passe-t-il ! Vais-je être noble maintenant ? le moment est-il venu pour mon père de se manifester ? Je pars dans un émoi et dans une anxiété que tu comprends. Jusqu’à nouvel ordre, je t’adresserai tes lettres chez moi ; si tu ne te décides pas à y loger, fais-moi bientôt connaître ton adresse, car il me semble que nous allons avoir beaucoup de choses à nous dire. Aucune confidence, je te prie, aux l’Estorade, et tout ceci bien entre nous.


CHAPITRE XIII

DORLANGE À MARIE-GASTON


Arcis-sur-Aube, 3 mai 1839.

Cher ami, hier soir, à sept heures, par-devant maître Achille Pigoult, notaire royal à la résidence d’Arcis-sur-