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lieu de ménager de la confusion à monsieur Dorlange, il lui avait, au contraire, fourni l’occasion de répondre avec une certaine hauteur de ton et de paroles.

— Oui, et d’assez bonne heure, en sorte que je vais avoir l’honneur de prendre congé de vous, car j’ai encore quelques préparatifs à terminer.

Là-dessus, monsieur Dorlange se leva, et après m’avoir adressé un salut assez cérémonieux sans donner la main à monsieur de l’Estorade, qui de son côté ne la lui tendit pas, il sortit de l’appartement.

Pour éviter une explication qui entre nous était inévitable :

— Ah ça ! qu’avait donc Armand ? demanda monsieur de l’Estorade.

— Ce qu’avait Armand importe peu, répondis-je, et vous vous en êtes douté en me voyant revenir sans lui, et ne pas témoigner la moindre émotion. Mais ce qui serait plus intéressant à savoir, c’est ce que vous-même avez ce soir, car jamais je ne vous vis si à contre-temps, si aigre et si désobligeant.

— Quoi ! parce que j’ai dit à un candidat ridicule qu’il devait prendre le deuil de sa députation ?

— D’abord ce n’était pas un compliment à faire, et dans tous les cas le moment était mal choisi avec un homme auquel mon émoi maternel venait d’imposer une atroce corvée.

— Je n’aime pas les officieux, répliqua monsieur de l’Estorade en haussant beaucoup plus le ton qu’il ne le fait d’ordinaire avec moi. Après tout, si ce monsieur ne s’était pas trouvé là pour vous offrir son bras, vous n’eussiez pas fait cette inconvenante promenade.

— Vous vous trompez, et je l’eusse faite d’une façon plus inconvenante encore, car j’eusse été seule au collége, vos gens étant ici les maîtres et ayant refusé de m’accompagner.

— Mais enfin, vous admettez bien que si quelqu’un vous eût rencontrée à neuf heures et demie du soir, dans le quartier du Panthéon, bras dessus, bras dessous, avec monsieur Dorlange, la chose eût au moins paru singulière.