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immédiatement dirigée sur un couvent d’Italie. Afin d’éviter tout scandale on lui a prêté la grâce d’une vocation subite pour la vie religieuse. Elle-même décidera de son avenir par l’attitude qu’elle gardera.

Quand mon amour-propre n’aurait pas eu tant à souffrir de la vérité de cette histoire, je l’eusse encore mise en doute, car ne te semble-t-elle pas bien romanesque ? Depuis, une explication est survenue qui à toute force pourrait en donner la clef. Dernièrement le frère de Marianina, a épousé une Allemande d’une famille grand-ducale. D’énormes sacrifices ont dû être demandés aux Lanty pour rendre possible une pareille alliance, et Marianina avantagée par le testament de son grand-oncle, et ensuite exhérédée au moyen du couvent, n’aurait-elle pas fait les frais de cette union princière ?

Autre version : Marianina éprouverait réellement pour moi le sentiment qu’exprimaient ses lettres ; elle aurait fait l’enfantillage de les écrire, sans toutefois les envoyer. Quelque fâcheux hasard les aurait fait découvrir dans ses mains ; alors pour la punir, non pas de les avoir écrites, mais de les avoir pensées, on l’aurait confinée dans un couvent, et moi pour me dégoûter d’elle, on m’aurait bâti l’histoire de cet autre amour, où je joue le rôle peu agréable de paratonnerre.

Avec ces Lanty, tout est croyable ; outre que le chef de cette famille m’a toujours paru un caractère d’une grande profondeur et capable au besoin des conceptions les plus noires, imagine ces gens, ayant toute leur vie couché, pour ainsi dire, avec le secret d’une fortune dont l’origine est ignoble, ne doivent-ils pas s’être à la longue rompus à toute espèce d’intrigues, et crois-tu, de leur part, à quelque vergogne dans l’emploi des moyens ?

J’ajoute que l’officieuse intervention de l’abbé Fontanon autorise toutes les pensées mauvaises. J’ai pris mes renseignements sur lui : c’est un de ces méchants prêtres toujours empressés de s’ingérer dans les intérêts secrets des familles et qui jadis brouilla le ménage de monsieur de