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peu clair à ce que je faisais, pour être disposé à me rendre du premier coup. Cherchant donc à m’orienter un peu :

— Mais, monsieur, demandai-je, les lettres, de qui sont-elles donc ? qui me les aurait adressées ?

— De qui sont ces lettres ? s’écria monsieur de Lanty, d’un accent qui quittait l’ironie pour tourner à l’indignation.

— Inutile de nier, monsieur, dit alors madame de Lanty, Marianina a tout avoué.

— Mademoiselle Marianina, répondis-je, m’aurait écrit ces lettres ? Il y a alors quelque chose de bien simple : qu’on veuille me mettre en sa présence ; de sa bouche, l’affirmation des faits les plus improbables sera tenue par moi pour la vérité.

— Le tour est galant, répliqua monsieur de Lanty, mais Marianina n’est plus ici, elle est dans un couvent, pour jamais à l’abri de vos entreprises et des entraînements de sa ridicule passion. Si c’est cela que vous êtes venu savoir, vous voilà renseigné. Maintenant brisons là, car je ne vous cache pas que ma patience, ma modération, ont un terme si votre impudence n’en a pas.

— Monsieur ! m’écriai-je avec émotion ; mais en voyant madame de Lanty faire le geste de me supplier à genoux, je pensai que peut-être l’avenir de Marianina était intéressé à l’attitude que je prendrais. Monsieur de Lanty était d’ailleurs grêle, chétif, il approchait de la soixantaine et paraissait très-consciencieusement convaincu de son outrage imaginaire ; je ne relevai donc pas sa dure parole et me retirai sans autre incident.

J’avais espéré que le vieux domestique par lequel j’avais eu comme un avant-goût de cette scène pourrait, à ma sortie, se trouver sur mon passage et me donner quelques explications ; mais je ne le vis point et restai livré sans lumière aucune à l’infini de mes suppositions.

Le lendemain matin, j’étais levé à peine, quand on vint m’annoncer monsieur l’abbé Fontanon. (Voir Une double Famille.)

J’ordonne qu’on l’introduise, et bientôt je me trouve en présence d’un grand vieillard au teint bilieux, à la mine