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CHAPITRE X

DORLANGE À MARIE-GASTON


Paris, avril 1839.

Cher ami, tant bien que mal, je continue mon rôle de candidat sans collège ; mes amis s’en étonnent et moi je m’en inquiète, car, quelques semaines à peine nous séparent de l’élection générale, et s’il devait arriver que toute cette mystérieuse préparation aboutît à néant, la belle figure, je te prie, que je ferais en face de monsieur Bixiou, dont tu m’écrivais il y a quelque temps les malicieux aperçus.

Une pensée pourtant me rassure : il me paraît difficile qu’on ait ainsi semé deux cent cinquante mille francs dans mon sillon électoral, sans prétendre, en définitive, y récolter quelque chose ; peut-être même, à bien prendre la chose, chez ceux qui travaillent pour moi d’une façon si peu pressée et si souterraine, cette lenteur doit-elle faire supposer une grande confiance du succès.

Quoi qu’il en soit, je suis tenu par cette longue attente dans un désœuvrement qui me pèse ; à cheval en quelque sorte sur deux existences, celle dans laquelle je n’ai pas le pied encore et celle dont je ne suis pas tout à fait sorti, je n’ai le cœur à entreprendre aucun travail et ne ressemble pas mal à un voyageur qui, ayant devancé l’heure de la diligence, ne sait plus que faire de sa personne et à quoi dépenser son temps. Tu ne te plaindras pas, je pense, que je fasse tourner ce far niente au profit de notre correspondance, et, ma foi ! puisque je suis de loisir, je reviendrai sur deux articles de ta dernière lettre auxquels je n’avais pas d’abord trouvé utile de donner une grande attention. D’une part, tu m’avertissais que mes prétentions parlementaires n’avaient pas le suffrage de monsieur Bixiou ; d’autre part tu m’insinuais que je pourrais bien être exposé