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que j’ai vue plusieurs fois dans l’histoire employée par les rois pour écrire à leurs rejetons, ne semblait-elle pas m’annoncer la plus aristocratique origine ? Mais mon désappointement fut complet ; de signature, point.

« Monsieur mon fils, me disait mon père anonyme, je ne regrette pas que, par votre insistance passionnée pour connaître le secret de votre naissance, vous ayez forcé la personne qui a eu soin de votre jeunesse de venir ici conférer avec moi, touchant le parti que pouvait nous commander cette dangereuse et turbulente curiosité.

» Depuis longtemps, je nourrissais une pensée qui arrive aujourd’hui à maturité, et de vive voix l’exécution en a été bien plus sûrement réglée qu’elle n’eût pu l’être par correspondance.

» Presque aussitôt après votre naissance, qui coûta la vie à votre mère, forcé de m’expatrier, j’ai fait dans un pays étranger une belle fortune, et dans le gouvernement de ce pays j’occupe un poste éminent.

» J’entrevois le moment où, libre de vous restituer mon nom, je pourrai en même temps vous procurer la survivance de la haute situation à laquelle je suis arrivé.

» Mais, pour parvenir à ce sommet, la notoriété que, de mon aveu, vous vous êtes mis en mesure d’acquérir dans les arts ne serait pas une recommandation suffisante ; j’ai donc le désir que vous abordiez la vie politique ; et dans cette voie, sous les institutions actuelles de la France, il n’y a pas deux manières de devenir un homme considérable : il faut être député.

» Je sais que vous n’avez pas l’âge légal et que vous ne payez pas le cens. Mais dans un an vous aurez trente ans, et c’est juste le délai nécessaire pour que, devenu propriétaire, vous soyez en mesure de justifier de la possession annale. Dès demain, vous pouvez vous présenter chez les frères Mongenod, banquiers, rue de la Victoire ; une somme de deux cent cinquante mille francs vous sera comptée ; vous devrez l’employer immédiatement à l’acquisition d’un immeuble, affectant le surplus à prendre des