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une tête couronnée ; mais les grands artistes, après tout, ne sont-ce pas là les vrais rois du droit divin ?

Représente-toi mon étonnement quand, après quelques minutes d’attente, au lieu d’un visage entièrement nouveau pour moi, je vois paraître un homme qui d’abord éveille dans mon esprit un vague souvenir, et qu’à un second coup d’œil je reconnais pour mon auditeur acharné du Café des Arts.

Ce n’est pas tout : à sa suite marche un à peu près de créature humaine, et dans cette informe ébauche, à ses jambes torses, à son immense et inculte chevelure, je démêle notre ancienne providence trimestrielle, mon banquier, ou apporteur d’argent, en un mot, notre estimable ami, le nain mystérieux.

De mon côté, je n’échappe pas à son œil vigilant, et, d’un geste animé, je le vois me signalant à l’organiste. Celui-ci, par un mouvement dont il n’a sans doute pas calculé toute la portée, se retourne précipitamment pour me regarder ; mais, sans plus de démonstration, il continue son chemin.

Pendant ce temps, le bancroche, qu’à ce détail je dois reconnaître pour un employé de la maison, s’approche familièrement du donneur d’eau bénite et lui offre une prise de tabac, puis, clopinant, sans plus m’honorer de son attention, il gagne une porte dérobée qui s’ouvre dans un des bas côtés de l’église et disparaît.

Le soin que cet homme avait pris de faire remarquer ma présence à l’organiste, devenait pour moi une révélation. Évidemment, le maestro était au courant du bizarre procédé employé pour me faire parvenir ma pension, laquelle, à mon retour de Rome, et jusqu’au moment où je fus mis au-dessus du besoin par quelques commandes, avait continué de m’être religieusement servie.

Quelque chose de non moins probable, c’est que l’homme initié à ce mystère financier était dépositaire de bien d’autres secrets, je devais être d’autant plus ardent à me procurer avec lui une explication, qu’arrivé à vivre de mes propres ressources, je n’avais plus à craindre de voir ma