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aspire à vivre à Paris. Forcée de rester ici tant que vivra son père, elle a reporté son ambition sur la tête de son futur gendre, et la belle dame rêve les splendeurs de la vie politique.

— Aimerais-tu Cécile ? dit le colonel à son fils.

— Oui, mon père.

— Lui plais-tu ?

— Je le crois, mon père ; mais il s’agit aussi de plaire à la mère et au grand-père. Quoique le bonhomme Grévin veuille contrarier mon élection, le succès déterminerait madame Beauvisage à m’accepter, car elle espérera me gouverner à sa guise, être ministre sous mon nom…

— Ah ! la bonne plaisanterie ! s’écria madame Marion. Et pour quoi nous compte-t-elle ?…

— Qui donc a-t-elle refusé ? demanda le colonel à sa sœur.

— Mais, depuis trois mois, Antonin Goulard et le procureur du roi, monsieur Frédéric Marest, ont reçu, dit-on, de ces réponses équivoques, qui sont tout ce qu’on veut, excepté un oui !

— Oh ! mon Dieu ! fit le vieillard en levant les bras, dans quel temps vivons-nous ? Mais Lucie est la fille d’un bonnetier, et la petite-fille d’un fermier. Madame Beauvisage veut-elle donc avoir un comte de Cinq-Cygne pour gendre !

— Mon frère, ne vous moquez pas des Beauvisage. Cécile est assez riche pour pouvoir choisir un mari partout, même dans le parti auquel appartiennent les Cinq-Cygne. Mais, j’entends la cloche qui vous annonce des électeurs, je vous laisse et je regrette bien de ne pouvoir écouter ce qui va se dire…


CHAPITRE II

RÉVOLTE D’UN BOURG-POURRI LIBÉRAL


Quoique 1839 soit, politiquement parlant, bien éloigné de 1847, on peut encore se rappeler aujourd’hui les élec-