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inventer la fable la plus ingénieuse, ou bien, n’est-ce réellement qu’un artiste, m’ayant prise en toute naïveté pour la vivante réalisation de son idéal ? C’est ce que je saurai, du reste, d’ici à quelques jours, car, plus que jamais, voilà le cas de rentrer dans mon programme, et demain, pas plus tard, monsieur le comte et madame la comtesse de l’Estorade auront l’honneur de prier monsieur Dorlange à dîner.


CHAPITRE VII

LA COMTESSE DE L’ESTORADE À MADAME OCTAVE DE CAMPS


Paris, mars 1839.

Chère madame, monsieur Dorlange dîna hier chez moi.

Ma pensée à moi avait été de l’avoir en famille, afin de le tenir mieux sous mon œil, et de lui donner tout à mon aise la question.

Mais monsieur de l’Estorade, que je n’avais pu mettre dans la confidence de ma disposition charitable, me fit remarquer que cette invitation, en tête-à-tête, pourrait avoir quelque chose de blessant ; monsieur le comte de l’Estorade, pair de France, aurait l’air de trouver que le sculpteur Dorlange n’est pas d’assez bon lieu pour être admis dans son monde. — Nous ne pouvons, ajouta gaiement mon mari, le traiter comme le fils d’un de nos fermiers qui viendrait nous voir avec l’épaulette de sous-lieutenant et que nous inviterions à huis clos, faute d’oser l’envoyer à l’office.

Nous eûmes donc avec notre convive principal, monsieur Joseph Bridau, le peintre, le chevalier d’Espard, monsieur et madame de la Bastie, et monsieur de Ronquerolles.

En invitant ce dernier, mon mari lui avait demandé s’il ne lui serait pas désagréable de se rencontrer avec l’adversaire de monsieur de Rhétoré ? Vous avez su sans doute que, dans son duel, le duc avait choisi pour ses témoins le général de Montriveau et monsieur de Ronquerolles.

— Loin que cette rencontre, répondit ce dernier, me soit