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démontrer que cette place, malgré toutes les apparences contraires, jamais il n’a cessé de la mériter.

Cette démonstration pour monsieur Marie-Gaston devenait difficile parce que, à aucun prix, il n’aurait consenti à faire remonter jusqu’à leur véritable auteur les torts qu’il a semblé se donner.

Là pourtant est tout le nœud de sa conduite avec monsieur Dorlange. Sa femme l’avait voulu à elle seule et avait mis à l’isoler de toute autre affection un acharnement singulier. Mais rien ne saurait le décider à reconnaître et à avouer l’espèce d’infériorité morale que révélait cette jalousie désordonnée et furieuse. Louise de Chaulieu, pour lui, a été la perfection même, et, par les côtés les plus excessifs de son imagination et de son caractère, elle lui paraissait encore adorable. Tout ce qu’il pourrait concéder, c’est que la personnalité et les actions de cette chère despote ne peuvent pas être pesées à la même balance que les actions et la personnalité des autres femmes. Il tient que Louise a été dans son sexe une exception glorieuse et qu’à ce compte, pour être comprise, elle peut avoir besoin d’être expliquée. Or, qui, mieux que moi, pour laquelle elle n’eut jamais de secret, pouvait se charger de ce soin ? J’étais donc priée de vouloir bien faire, à l’usage de monsieur Dorlange, cette espèce de travail d’illustration, car, une fois l’influence de madame Marie-Gaston justifiée et admise, tout le procédé de son mari se trouvait naturellement amnistié.

Pour entrer dans le désir de monsieur Marie-Gaston, ma première idée fut d’écrire un mot à son ami le sculpteur et de l’engager à passer chez moi. Mais, tout bien réfléchi, il était à peine remis de sa blessure, et puis, dans cette convocation qui aurait d’avance un but déterminé, mon rôle de médiatrice ne prenait-il pas une solennité étrange ? Je m’avisai d’une autre forme : tous les jours on va visiter l’atelier d’un artiste. Accompagnée de Naïs et de mon mari, je pouvais, sans être annoncée, arriver chez monsieur Dorlange, sous le spécieux prétexte de renouveler les instances qui déjà lui avaient été faites pour obtenir le concours de son talent. En ayant l’air de vouloir peser