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lettre n’était démesurément longue. D’ailleurs, puisque j’ai parlé du roman-feuilleton, le moment ne vous paraît-il pas merveilleusement choisi pour suspendre l’intérêt ? J’ai, à ce qu’il me semble, assez savamment excité votre curiosité pour avoir conquis le droit de ne pas la satisfaire. La suite donc, que cela vous agrée ou non, au prochain courrier.


CHAPITRE VI

LA COMTESSE DE L’ESTORADE À MADAME OCTAVE DE CAMPS


Paris, mars 1839.

L’immense digression biographique par laquelle je vous ai fait passer, chère madame, j’en avais puisé les éléments dans une lettre toute récente de monsieur Marie-Gaston.

En apprenant l’héroïque dévouement dont il venait d’être l’objet, son premier mouvement avait été d’accourir à Paris pour serrer la main de l’ami incomparable qui se vengeait si noblement de son oubli.

Malheureusement, la veille de son départ, un cruel empêchement lui était survenu.

Par le coup d’une sympathie singulière, tandis que, pour lui, monsieur Dorlange se faisait blesser à Paris ; à Savarezza, en visitant l’une des plus belles carrières de marbre qui s’exploitent aux environs de Carrare, lui-même faisait une dangereuse chute et se luxait une jambe. Obligé d’ajourner son voyage, de son lit de douleur il avait écrit à monsieur Dorlange pour lui exprimer sa vive gratitude ; mais par le même courrier me parvenait aussi une volumineuse lettre ; en m’y racontant tout le passé de leur liaison, monsieur Marie-Gaston me suppliait de voir son ancien ami de collège et de me faire auprès de lui son avocate.

Il ne lui suffisait pas, en effet, d’avoir pu constater par un éclatant témoignage la place qu’il occupait encore dans les affections de monsieur Dorlange ; sa prétention est de lui