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s’appeler ainsi qu’au théâtre, et encore dans le vieux répertoire, où ils sont allés rejoindre Arnolphe, Alceste, Clitandre, Damis, Éraste, Philinte et Arsinoé.

Une autre raison pour ces pauvres mal nés de se serrer chaudement l’un contre l’autre, c’était le cruel abandon auquel ils se sentaient livrés.

Pendant sept mortelles années que durèrent leurs études, pas un seul jour, même à l’époque des vacances, la porte de leur prison ne s’ouvrit pour eux. De loin en loin, Marie-Gaston recevait la visite d’une vieille domestique, qui avait servi sa mère. C’était par les mains de cette femme que se payaient les quartiers de sa pension. Celle de Dorlange s’acquittait au moyen de fonds très-régulièrement faits chaque trimestre par une voie inconnue chez un banquier de Tours. Une chose à noter, c’est que les semaines du jeune écolier avaient été fixées au chiffre le plus élevé que permît le règlement du collège ; d’où la conclusion que ses parents anonymes devaient être des gens aisés. Grâce à cette supposition, mais surtout grâce à l’emploi généreux qu’il faisait de son argent, Dorlange, parmi ses camarades, était arrivé à une certaine considération, que d’ailleurs il aurait bien su, au besoin, se ménager à la force du poignet ; mais, tout bas, on n’en faisait pas moins la remarque que jamais personne ne l’avait fait demander au parloir, et que, hors de l’enceinte de la maison, pas une âme n’avait paru s’intéresser à lui.

Ces deux enfants, qui devaient être un jour des hommes distingués, furent des écoliers médiocres. Sans se montrer indociles ou paresseux, comme ils ne se savaient pas de mères à faire heureuses de leurs succès, que leur importaient les couronnes de la fin de l’année ? Ils avaient leur manière d’étudier à eux. Dès l’âge de quinze ans, Marie-Gaston était à la tête d’un volume de vers, satires, élégies, méditations, plus deux tragédies. Les études de Dorlange, lui, le poussaient à voler des bûches ; avec son couteau, il y taillait des vierges, des grotesques, des maîtres d’études, des saints, des grenadiers de la vieille garde et, plus secrètement, des Napoléons.