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une grande délicatesse. Jamais il ne se mit en avant ; les faveurs devaient venir le chercher ; aussi resta-t-il onze ans simple capitaine d’artillerie dans la garde, où il ne fut nommé chef de bataillon qu’en 1813, et major en 1814. Son attachement presque fanatique à Napoléon ne lui permit pas de servir les Bourbons, après la première abdication. Enfin, son dévouement en 1815 fut tel, qu’il eût été banni sans le comte de Gondreville qui le fit effacer de l’ordonnance et finit par lui obtenir et une pension de retraite et le grade de colonel.

Madame Marion, née Giguet, avait un autre frère qui devint colonel de gendarmerie à Troyes, et qu’elle avait suivi là dans le temps. Elle y épousa monsieur Marion, receveur général de l’Aube.

Feu monsieur Marion, le receveur général, avait pour frère un premier président d’une cour impériale. Simple avocat d’Arcis, ce magistrat avait prêté son nom pendant la Terreur au fameux Malin de l’Aube, représentant du peuple, pour l’acquisition de la terre de Gondreville. Aussi, tout le crédit de Malin, devenu sénateur et comte, fut-il au service de la famille Marion. Le frère de l’avocat eut ainsi la recette générale de l’Aube à une époque où, loin d’avoir à choisir entre trente solliciteurs, le gouvernement était fort heureux de trouver un sujet qui voulût accepter de si glissantes places.

Marion, le receveur général, recueillit la succession de son frère le président et madame Marion celle de son frère le colonel de gendarmerie. En 1814, le receveur général éprouva des revers. Il mourut en même temps que l’Empire, mais sa veuve trouva quinze mille francs de rentes dans les débris de ces diverses fortunes accumulées. Le colonel de gendarmerie Giguet avait laissé son bien à sa sœur, en apprenant le mariage de son frère l’artilleur, qui, vers 1806, épousa l’une des filles d’un riche banquier de Hambourg. On sait quel fut l’engouement de l’Europe pour les sublimes troupiers de l’empereur Napoléon !

En 1814, madame Marion, quasi ruinée, revint habiter Arcis, sa patrie, où elle acheta, sur la Grande-Place, l’une