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ne voit rien à modifier dans ses dires, nous irons jusqu’au bout si vous le voulez bien.

Le débat s’étant constamment tenu dans ces termes, le duel devenait inévitable, et dans la journée les conditions en furent réglées entre les témoins des deux parties. La rencontre, arrêtée pour le lendemain, devait avoir lieu au pistolet.

Sur le terrain, monsieur Dorlange fut parfait de sang-froid. Après un coup de feu échangé sans résultat, comme les témoins parlaient de mettre fin au combat :

— Allons ! encore un coup ! dit-il avec gaieté, comme s’il se fût agi d’abattre des poupées dans un tir.

À cette reprise, il fut atteint dans la partie charnue de la cuisse, blessure en réalité peu dangereuse, mais qui lui fit perdre beaucoup de sang. Pendant qu’on le transportait à la voiture qui l’avait amené, comme monsieur de Rhétoré, s’empressant à lui donner des soins, se trouvait à sa portée : — Ce qui n’empêche pas, lui dit-il, que Marie-Gaston ne soit homme d’honneur et un cœur d’or ; et presque en même temps il s’évanouit.

Ce duel, comme vous vous l’imaginez, cher monsieur, a fait un bruit énorme, et pour recueillir sur monsieur Dorlange beaucoup de renseignements, je n’ai eu vraiment qu’à écouter, car pendant toute la journée d’hier il a été le lion du moment, et impossible d’entrer dans une maison sans le trouver sur le tapis.

Ma récolte s’est principalement faite chez madame de Montcornet ; elle reçoit, vous le savez, beaucoup d’artistes et de gens de lettres, et, pour vous donner une idée de la manière dont votre ami est posé, je ne ferai que sténographier une conversation à laquelle j’ai assisté hier soir dans le salon de la comtesse.

Les interlocuteurs étaient monsieur Émile Blondet, des Débats, monsieur Bixiou, le caricaturiste, l’un des furets les mieux informés de Paris ; l’un et l’autre, je crois, sont de votre connaissance, mais dans tous les cas, je suis sûr de votre intimité avec Joseph Bridau, notre grand peintre, qui venait en tiers dans cette causerie, car, je me rappelle