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— Vous dites ?… repartit le duc en clignant des yeux et avec ce ton de dédain suprême que l’on peut imaginer.

— Je dis, monsieur le duc, que Marie-Gaston est mon ami d’enfance, que jamais il n’a passé pour un drôle ; qu’au contraire c’est un homme plein d’honneur et de talent, et que, loin d’avoir fait mourir sa femme de jalousie, il l’a rendue parfaitement heureuse pendant les trois années qu’a duré leur mariage. Quant à la succession…

— Vous avez mesuré, monsieur, dit le duc de Rhétoré en interrompant, la portée de votre procédé ?

— Parfaitement, monsieur, et je répète que pour la succession recueillie par Marie-Gaston, en vertu d’une volonté solennellement exprimée dans le testament de sa femme, il l’a si peu convoitée, qu’à ma connaissance, il est sur le point de distraire une somme de deux à trois cent mille francs pour faire élever un monument à celle qu’il n’a pas cessé de pleurer.

— Mais enfin, monsieur, qui êtes-vous ? — interrompit de nouveau le duc de Rhéthoré avec une impatience de moins en moins contenue.

— Tout à l’heure, reprit monsieur Dorlange, j’aurai l’honneur de vous le dire ; seulement vous me permettrez d’ajouter que cette succession dont vous avez été dépossédé, madame Marie-Gaston a pu en disposer sans le moindre remords de conscience ; toute sa fortune en effet lui venait de monsieur le baron de Macumer, son premier mari ; et, précédemment, elle avait fait abandon de sa légitime pour constituer un établissement à monsieur votre frère, le duc de Lenoncourt-Givry, qui, en sa qualité de cadet de famille, n’avait pas comme vous, monsieur le duc, eu le bonheur d’être avantagé.

Cela dit, monsieur Dorlange chercha dans sa poche son portefeuille, qui ne s’y trouva pas.

— Je n’ai pas de cartes sur moi, finit-il par dire ; mais je m’appelle Dorlange, un nom de comédie, facile, à retenir, 42, rue de l’Ouest.

— Le quartier n’est pas très-central, remarqua ironiquement monsieur de Rhétoré. En même temps, se tournant