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nal du soir. Il y avait eu ce jour-là une séance très-scandaleuse, ce qu’on appelle une séance intéressante, à la Chambre des députés.

La conversation ayant naturellement roulé sur les événements du monde parisien, accomplis pendant l’absence de monsieur de Ronquerolles, celui-ci jeta cette parole qui était de nature à éveiller l’attention de monsieur Dorlange :

— Comment cette pauvre madame de Macumer, une si triste fin et un mariage si singulier !

— Ah ! vous savez, répondit monsieur de Rhétoré, de ce verbe haut monté dont il a l’habitude, ma sœur avait trop d’imagination pour ne pas être un peu chimérique et romanesque. Elle avait aimé à la passion monsieur de Macumer, son premier mari ; mais à la longue on se lasse de tout, même du veuvage. Ce monsieur Marie-Gaston se trouva sur son chemin. Il est agréable de sa personne ; ma sœur était riche, lui, fort endetté ; il se montra donc aimable et empressé à proportion, et, par ma foi ! le drôle a si bien manœuvré, qu’après avoir succédé à monsieur de Macumer et fait mourir sa femme de jalousie, il a tiré d’elle tout ce dont la loi permettait à cette pauvre affolée de disposer. La succession de Louise se montait au moins à douze cent mille francs, sans compter un magnifique mobilier et une délicieuse villa qu’elle s’était fait construire à Ville-d’Avray. La moitié de l’hoirie a été à ce monsieur, l’autre au duc et à la duchesse de Chaulieu, mes père et mère, qui, en leur qualité d’ascendants, avaient droit à ce partage. Quant à mon frère Lenoncourt et à moi, notre part a été purement et simplement déshérités.

Aussitôt que votre nom, cher monsieur, eut été prononcé, monsieur Dorlange avait mis de côté son journal, puis, comme monsieur de Rhétoré achevait sa phrase, il se leva et lui dit :

— Pardon, monsieur le duc, si j’ose m’entremettre dans vos renseignements ; mais, en conscience, je dois vous avertir que vous êtes tout ce qu’il y a au monde de plus mal informé.