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la tête des chevaux et les arrêta court, Dieu sait l’affreux malheur qui nous atteignait.

De cette cruelle émotion est résultée pour madame de l’Estorade une excitation nerveuse qui nous a si sérieusement inquiétés un moment. Quoiqu’elle soit beaucoup mieux aujourd’hui, ce n’est pas avant quelques jours qu’elle pourra être en état de recevoir monsieur Dorlange, étant admis que sa médiation féminine vous paraît désirable et utile.

Mais encore un coup, cher monsieur, ne vaudrait-il pas mieux couper court à votre idée ? Une dépense énorme ; de fâcheux démêlés avec les Chaulieu, et pour vous, un renouvellement de vos douleurs ; voilà ce que j’y entrevois. Ce qui ne veut pas dire, cependant, qu’en tout et pour tout, je ne continue pas d’être à vos ordres, ainsi que le commandent les sentiments d’estime et d’amitié que je vous ai voués.


CHAPITRE II

LA COMTESSE DE L’ESTORADE À MADAME OCTAVE DE CAMPS


Paris, février 1839.

Chère madame, de tous les témoignages de sympathie que m’a valus le terrible accident arrivé à ma pauvre enfant, pas un ne m’a autant touchée que votre excellente lettre.

Pour répondre à votre affectueuse sollicitude, je dois dire que, dans cette terrible rencontre, Naïs a été merveilleuse de calme et de sang-froid. Il n’est pas, je crois, possible de voir la mort de plus près ; mais, pas plus pendant qu’après l’événement cette vaillante petite fille n’a sourcillé, et tout en elle annonce le caractère le plus résolu ; aussi, dans sa santé, Dieu merci ! pas l’ombre d’un dérangement.

Quant à moi, par suite de mon immense terreur, tombée