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— Les vingt-cinq mille francs sont pressés ! lui répondit de Trailles.

— Hé, bien ! cachez-vous.

Cinquante jours après, un matin avant le jour, le comte de Trailles vint rue de Varennes, mystérieusement, dans un cabriolet de place. À la porte du magnifique hôtel que le baron de Nucingen avait acheté pour son gendre, il renvoya le cabriolet, regarda s’il n’était pas suivi, puis il attendit dans un petit salon que Rastignac se levât. Quelques instants après, le valet de chambre qui avait porté la carte de Maxime l’introduisit dans la chambre à coucher, où l’homme d’état achevait sa toilette du matin.

— Mon cher, lui dit le ministre, je puis vous dire un secret qui sera divulgué dans deux jours par les journaux et que vous pouvez mettre à profit. Ce pauvre Charles Keller, qui dansait si bien la mazurka, a été tué en Afrique, et il était notre candidat dans l’arrondissement d’Arcis. Cette mort laisse un vide. Voici la copie de deux rapports, l’un du sous-préfet, l’autre du commissaire de police, qui prévenait le ministère que l’élection de notre pauvre ami rencontrerait des difficultés. Il se trouve dans celui du commissaire de police des renseignements sur l’état de la ville qui suffiront à un homme de votre habileté, car l’ambition du concurrent du pauvre feu Charles Keller vient de son désir d’épouser une héritière. À un entendeur tel que vous, ce mot suffit. Les Cinq-Cygne, la princesse de Cadignan et Georges de Maufrigneuse sont à deux pas d’Arcis ; vous saurez avoir au besoin les votes légitimistes… Ainsi…

— N’use pas ta langue, dit Maxime. Le commissaire de police est encore là ?

— Oui.

— Fais-moi donner un mot pour lui.

— Mon cher, dit Rastignac en remettant à Maxime tout un dossier, vous trouverez là deux lettres écrites à Gondreville pour vous. Vous avez été page, il a été sénateur, vous vous entendrez. Madame François Keller est dévote, voici pour elle une lettre de la maréchale de Carigliano. La maréchale est devenue dynastique, elle vous recommande