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cuire le dîner du gendarme, le père du réfractaire était allé dès le matin dans une forêt voisine pour ramasser des branches mortes et faire provision de bois.

A la nuit, il aperçut dans un fourré, près des habitations, une masse blanche, et ayant été voir ce que cela pouvait être, il reconnut son fils. Il était mort de faim, et avait encore entre les dents l’herbe qu’il avait essayé de manger.

Le paysan chargea son enfant sur ses épaules, et, sans le montrer à personne, sans rien dire, il le porta pendant trois lieues ; il arriva à la préfecture, s’enquit où était le préfet, et, apprenant qu’il était au bal, il l’attendit ; et quand celui-ci rentra, sur les deux heures du matin, il trouva le paysan à sa porte, qui lui dit :

— Vous avez voulu mon fils, monsieur le préfet, le voilà !

Il mit le cadavre contre le mur et s’enfuit.

Maintenant, lui et sa femme mendient leur pain.

— Ceci est tout bonnement sublime, reprit le médecin ; mais je crois que si les actions des paysans sont