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Le mari, gentilhomme piémontais, était petit ; sa figure annonçait une bonhomie goguenarde, s’il est permis d’allier ces deux mots. Courageux, instruit, il paraissait ignorer les liaisons qui existaient entre sa femme et le colonel depuis environ deux ans. J’attribuais ce laisser-aller aux mœurs italiennes ou à quelque secret de ménage ; mais il y avait dans la physionomie de cet homme un trait qui m’inspirait toujours une involontaire défiance. Sa lèvre inférieure était mince et s’abaissait aux deux extrémités, au lieu de se relever, ce qui me semblait trahir un fonds de cruauté dans ce caractère, en apparence flegmatique et paresseux.

Vous devez bien imaginer que la conversation n’était pas très-brillante lorsque j’arrivai. Mes camarades, fatigués, mangeaient en silence. Naturellement ils me firent quelques questions, et nous nous racontâmes nos malheurs, tout en les entremêlant de réflexions sur la campagne, sur les généraux, sur leurs fautes, sur les Russes et le froid.

Un moment après mon arrivée, le colonel, ayant fini son maigre repas, s’essuya les moustaches, nous souhaita le bonsoir, et jetant son regard à l’Italienne :