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et l’amoureux. Aussi quand ce rêve bizarre, cette fantaisie, ce songe vaporeux, se terminent par le meurtre, la douleur et le désespoir, Mercutio, dont la gaieté devient inutile ou déplacée, disparaît ; le poète le tue et s’en débarrasse. Vous voyez bien qu’au lieu de chanter un hymne à l’amour, comme vous le prétendez, Shakspeare le montre, selon moi, comme un caprice né du moment, facile à détruire, fertile en douleurs, aussi périlleux dans ses suites que léger dans ses causes, comme un souffle passager qui enivre et qui empoisonne, qui exalte et qui tue. » C’est, je l’avoue, la meilleure critique que j’aie jamais entendue ou lue sur ce singulier ouvrage de Shakspeare.

Le mal avait pris chez Caroline une forme brillante et gaie qui semblait se moquer de sa victime. Pour Emma, les trois derniers mois de sa vie furent singulièrement pénibles : elle passait d’une langueur accablante à des angoisses insupportables ; ce n’était plus qu’un fantôme. Sa sœur Marie la soignait, et rien ne paraissait l’attrister comme la présence de cette sœur, aussi condamnée, qui oubliait son propre destin pour adoucir les derniers momens de sa sœur. J’avais remarqué chez Emma un penchant assez vif pour