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haillons pour qu’on les remarque. N’est-ce pas un Français qui a dit le premier que le langage humain fut donné à l’homme pour déguiser sa pensée ? La plupart des écrivains ont apparemment choisi cette phrase pour mot d’ordre. Je conçois que vous, messieurs, qui avez été élevés dans des colléges latins et grecs, et qui vous préparez à pérorer dans les parlemens et dans les salons, vous trouviez tout cela fort beau ; mais, nous autres femmes, nous ne comprenons guère ce travestissement universel que vous appelez littérature ; ce que nous aimons, ce qui me plaît, du moins, c’est un trait de vérité, non affectée, comme il y en a tant chez Sterne, mais franche comme chez votre Molière, de ces mots qui abondent dans Shakespeare ; de ces peintures qui se reconnaissent tout de suite, et dont on dit : C’est cela ; de ces échappés de vue qui vous éclairent tout à coup, sans que l’auteur soit devant vous, la plume à la main, un masque sur le visage, tantôt comme un professeur prêt à vous endoctriner, tantôt comme un bouffon ou un comédien, pour vous redire ce que d’autres ont pensé, et détruire par là votre plaisir. »