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du vin et des fruits. Nous avions un bon repas en perspective. La marmite était suspendue au-dessus du feu par trois perches arrangées en faisceau, et assez éloignées du foyer pour ne pas brûler; mais d’ailleurs les soldats, avec cet instinct merveilleux qui les caractérise, avaient fait un petit rempart de terre autour du feu --- Bianchi perdit tout ; il ne dit pas un mot; il resta comme il était, accroupi; mais il se croisa les bras sur la poitrine, regarda le feu, le ciel, et par moments son adversaire. Alors j’avais peur qu’il ne fît quelque mauvais coup; il semblait vouloir lui manger les entrailles. Enfin il se leva brusquement, comme pour fuir une tentation. En se levant, il renversa l’une des trois perches qui soutenaient la marmite, et --- voilà la chèvre et notre souper à tous les diables!… Nous restâmes silencieux; et, quoique ventre affamé ne porte guère de respect aux passions, nous n’osâmes rien lui dire, tant il nous faisait peine à voir… L’autre comptait son argent. Alors Bianchi se mit à rire. Il regarda la marmite vide, et pensa peut-être alors qu’il n’avait pas plus de souper que d’argent. Il se tourna vers son camarade, puis avec un sourire d’Italien: