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L’HOMME DE COUR

blant, et à épeler les caractères du cœur. Étudie-toi à connaître celui qui rit toujours sans raison et celui qui ne rit jamais à faux. Défie-toi d’un grand questionneur, comme d’un imprudent ou d’un espion. N’attends presque rien de bon de ceux qui ont quelque défaut naturel au corps ; car ils ont coutume de se venger de la nature, en lui faisant aussi peu d’honneur qu’elle leur en a fait. D’ordinaire la sottise est à proportion de la beauté.

CCLXXIV

Avoir le don de plaire.

C’est une magie politique de courtoisie, c’est un crochet galant, duquel on doit se servir plutôt à attirer les cœurs qu’à tirer du profit, ou plutôt à toutes choses. Le mérite ne suffit pas, s’il n’est secondé de l’agrément, dont dépend toute la plausibilité des actions. Cet agrément est le plus efficace instrument de la souveraineté. Il y va de bonheur de mettre les autres en appétit ; mais l’artifice y contribue. Partout où il y a un grand naturel, l’artificiel y réussit encore mieux. C’est de là que tire son origine un je-ne-sais-quoi qui sert à gagner la faveur universelle.

CCLXXV

Se conformer à l’usage, mais non pas à la folie commune.

Ne tiens pas toujours ta gravité, c’est une partie de la galanterie de relâcher quelque chose de