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REINE D’ARBIEUX

turne et fin, dont on ne savait de quoi était faite la séduction. Que le salon était paisible dans cette fraîcheur d’ombre ! Reine regarda la pendule : une abeille d’or, entre les colonnes d’un petit temple, mesurait les minutes. Le soleil se faisait couleur de miel. Elle lui offrit d’aller au jardin. « Non, non », protesta-t-elle comme il parlait de prendre congé. Elle traversa le corridor, poussa des deux mains la porte-fenêtre : une bouffée d’air brûlant leur jeta à la face l’odeur sèche du jardin colorié de fleurs. Mais la maison couvrait de son ombre le massif d’hortensias, le banc, la table de fer posée sur l’allée.

Ils firent ensemble le tour des massifs, revinrent s’asseoir. Hardiment, Bernos s’attardait. Une joie sournoise lui mordait le cœur. Il songeait à Sour­bets roulant dans la lande consumée, repris par ses soucis vulgaires et ses habitudes, satisfait de discuter en paysan l’affaire du chien, et laissant derrière lui une jeune femme somnolente, jolie, désœuvrée. La pensée qu’elle n’avait pas accom­pagné son mari stimulait son amour-propre comme une victoire remportée dans l’ombre : il était sûr qu’elle resterait ; et pourquoi avait-elle sans doute invoqué chaleur et fatigue, si ce n’était pour lui, pour l’attendre, se justifiant à ses propres yeux, rassurée par une duplicité inconsciente. Qu’elle fût toute livrée à ses impressions, ardente et sans armes, il l’avait deviné de son regard oblique, dès le premier jour ; très nettement, avec la péné­tration qu’aiguisait une rancune impitoyable, il