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REINE D’ARBIEUX

dans le salon où bourdonnait une rumeur de ruche. Depuis un moment, les suppositions les plus diverses étaient échangées : « Ils sont capables de ne pas venir, » pensait Alban Dutauzin, qui sen­tait son sang se glacer. Comment n’avait-il pas découvert plus tôt que Sourbets était un sau­vage ? Chacun sait qu’on voit la même personne sous un aspect bien différent, avant ou après son mariage, quand la famille a dépouillé le nouveau venu de ses illusions, et entreprend courageuse­ment la tâche difficile de s’incorporer, de digérer en quelque sorte, cet élément étranger des plus résistants.

— Les voici, annonça soudain une voix.

Reine entrait, souriait et serrait des mains. « Nous commencions à désespérer, » disait Mme Dutau­zin de sa voix acide. Personne n’avait revu la jeune femme depuis son mariage. Était-elle heu­reuse ? Les regards scrutaient son visage, ses bijoux, sa robe. Ses diamants surtout faisaient sensation. Il fallait que Sourbets fût fou de cette petite pour l’avoir comblée de cette façon. À la retrouver plus brillante, et revêtue de la supé­riorité raisonnée que donne la fortune, les juge­ments se modifiaient : « Elle a le charme de son père », chuchotaient les mêmes dames qui avaient jusque-là déploré les singularités de cette nature. C’était pour Arthur d’Arbieux, après vingt ans de disgrâce, une sorte de revanche posthume que de paraître, sous les traits de sa fille, réha­bilité.