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REINE D’ARBIEUX

Régis devant ce paysage. Il avait élevé la lampe pour lire dans un coin la date et la signature.

— On a été bien sévère pour ce pauvre Arthur, avait confié à son fils Marie Lavazan, rompue elle-même par tant de coups que son indulgence était infinie. Je comprends que son mariage a été une grande déception. Si on avait pu prévoir cela, jamais sa mère ne l’aurait laissé aller à Paris. C’était pour fréquenter un atelier de peinture, mais je crois qu’il n’a jamais rien étudié à fond… Où a-t-il connu cette petite ? C’était une employée de commerce, je crois, ou une modiste… On n’a jamais su… Puisqu’il allait avoir un enfant, n’était-il pas honnête qu’il se mariât ? Mais, quand on l’a vu revenir plus tard, alors qu’il l’avait perdue, tellement changé, l’ombre de lui-même, tout le monde a été saisi. Personne ne pensait qu’il l’avait aimée jusqu’à se dégoûter ensuite de tout. Lui, qui était si fin, si séduisant ! Quand le chagrin l’a pris, il s’est mis à boire ; puis les contrariétés, un rhume négligé… Le malheur va vite !

— Si elle était jolie et bonne, avait dit Régis, pourquoi ne l’aurait-il pas épousée ? Le monde est plein de pharisiens.

Sa voix révélait une sourde anxiété. Puis il était resté longtemps sans parler. À quoi pensait-il ? Que regardait-il au fond de lui-même ? La mère ne se doutait pas qu’il revoyait, avec une compassion presque intolérable, Reine tournant vers lui ses yeux angoissés. Cette petite, tremblante, isolée, mais qui avait dans ses veines le feu de l’amour, com-