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REINE D’ARBIEUX

redouté pour ses colères, avait la réputation d’un maître exigeant, c’était à qui viendrait se mettre sous la protection de cette jeune femme, gracieuse et bonne, qu’ensoleillait le plus doux sourire.

Avec son mari, elle était timide. Ses violences lui faisaient peur. Quand il éclatait, pour la moindre contrariété, menaçant jusqu’à la vieille servante, gémissante et effarouchée, elle aurait voulu ren­trer sous terre. Mais elle sentait sur lui son pou­voir ; aucune révélation ne lui avait causé une plus poignante surprise. Durant la journée, il était souvent de mauvaise humeur, et parlait peu ; ou bien il lui prenait la tête dans ses mains, comme certains jours de leurs fiançailles, et la dévorait d’un baiser qui descendait jusque dans ses moelles. Elle tressaillait. Elle fermait les yeux. Le soir, près d’elle, il redevenait l’homme à la fois humble et exigeant, au regard de prière et de passion auquel, en silence, elle s’abandonnait.

Cependant Mme Fondespan s’étonnait que Reine ne l’eût pas encore appelée à l’aide pour aménager sa maison. Une semaine s’étant écoulée, elle accou­rut, mécontente et prête aux reproches. Rien ne pouvait lui être plus agréable que de démontrer son incapacité à la jeune femme. Avec cet air d’autorité et ces façons tranchantes, qui rendraient odieux les conseils les plus légitimes, elle passa une inspection rigoureuse.

À voir, dans le salon, une vitrine hollandaise en marqueterie, d’un beau ton caramel et jaune