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REINE D’ARBIEUX

mains déformées par les rhumatismes croisées sur sa robe.

— Si c’était un jeune homme sans situation, il n’y aurait pas d’inconvénients à le faire attendre, poursuivit-il. Mais il s’agit d’un garçon de trente-deux ans, riche, qui veut s’établir… À remettre sans cesse, vous courez le risque de le blesser. Reine ne trouvera pas un meilleur parti.

M. Dutauzin, juge au tribunal de Bazas, ne déposait jamais son air officiel. La solennité des petites villes était empreinte sur toute sa personne. Une maladie de foie, qui avait assombri son teint, et jauni le globe de ses yeux, creusait au coin de sa bouche un pli d’amertume. Il parlait, comme la bonne société, un français recherché et cérémonieux, et sa voix gardait le ton égal d’un homme qui pèse sans les éprouver les passions coupables.

Ce n’était pas la première fois que la grave question de ce mariage était débattue entre Mme Fondespan et son cousin, devenu son conseiller, et qui poussait un à un ses arguments ainsi que des pièces maîtresses sur un échiquier. L’un et l’autre se trouvaient d’ailleurs entièrement d’accord. Germain Sourbets n’avait pas fait en vain le siège de la vieille dame : la bonne opinion qu’elle avait de son intelligence, et aussi la prospérité de ses affaires, l’emportaient sur toute autre considération. Mais l’attitude de Reine la déconcertait. Elle maigrissait, devenait taciturne ; durant l’hiver, elle était à peine sortie, et restait parfois des jour-