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REINE D’ARBIEUX

dans quelles ténèbres, ville d’Ys enchantée, le sentait-elle couler et s’évanouir !

Lorsqu’elle se releva, l’orage était fini, et la lune pendait au-dessus des prés. Il y avait dans l’air nocturne des odeurs de pluie. Une pensée revint, puis un frisson qui réveilla dans sa chair la peine engourdie. Reine s’arrêta devant sa fenêtre. De l’autre côté du vallon, la demeure du docteur Ychoux, toute pleine pour elle de la présence de Régis, était sans lumière. Ce mal indicible dont elle souffrait, il était bien injuste que son ami ne le sentît pas. Lui aussi, tout à l’heure réel et robuste à côté d’elle, ne serait plus qu’un souvenir. Ou’est-ce qu’une image pour ceux qui endurent le jeûne perpétuel du cœur ? Cette enfant, qui avait toujours vécu dans ses rêves, haïssait soudain les ombres vaines. Elle avait assez attendu. La tentation de jouer sa suprême chance lui soufflait des pensées étranges.

— Partir, le rejoindre au dernier moment !

Mais elle se sentit soudain infiniment faible, terrassée par le poids de son cœur.

À cet instant, dans la prairie, longeant la rangée de peupliers, elle aperçut une silhouette d’homme. Reine regardait, le souffle coupé : « Si c’était Régis… » Mais une peur mystérieuse glaçait son sang dans ses veines. Comme l’homme tournait dans le chemin creux, elle le reconnut : Germain Sourbets ! Que faisait-il, à cette heure, rôdant autour de la maison ainsi qu’aurait fait un oiseau de nuit ? Il y eut un long silence sur la campagne,