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REINE D’ARBIEUX

Ce même soir, à La Font-de-Bonne, comme le dîner s’achevait sous la suspension, Reine cacha son visage dans ses mains.

— Va te coucher, ordonna Mme  Fondespan, qui avait horreur des romans.

À cette heure seulement, et en dépit de sa volonté de ne pas savoir, elle devait se rendre à l’évidence. Son mécontentement se tourna aussitôt en mépris pour Reine. Elle ne s’attarderait pas à ces niaiseries ; les paroles qu’elle sentait sur les lèvres de la jeune fille, prêtes à s’échapper, elle les refoulait de toute sa force. « Il ne faut plus tarder à la marier », songea-t-elle, condensant dans cette pensée l’irritation que lui causaient ces sortes de scènes.

Quand Reine fut montée, elle tourna longtemps dans sa chambre. La souffrance des êtres que l’amour possède ne lui permettait pas de rester en place. Il lui aurait fallu quelqu’un pour se confier ; elle imaginait son père auprès d’elle : « Ma petite Reine, » et cette douceur intime dans la voix dont elle avait soif.

Il y avait, sur sa cheminée, un portrait encadré de velours d’Arthur d’Arbieux. Elle ne l’avait connu, ce père charmant, qu’à travers ses rêves, et, petite fille, lorsqu’elle regardait son visage roman­tique sur l’émail de ce médaillon, il lui semblait voir sa radieuse jeunesse qui évoquait la douceur de vivre.

Plus tard, à travers tant d’insinuations et de malveillance, elle avait compris. Elle avait pris