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REINE D’ARBIEUX

à Reine, avec la contraction profonde de l’homme qui doit laisser derrière lui des visages en larmes. Était-ce déjà l’image de la mort ?… Il aurait voulu partir sans se retourner. Ceux-là seuls qui ont décidé un sacrifice savent ce que coûtent les dernières luttes, les attachements qu’il faut défaire, et qui vous retiennent, resserrant au dernier moment leur nœud de douleur. Près d’un abreuvoir, à un endroit où quelques aubiers sont rassemblés dans un fond humide, il s’arrêta un moment et passa la main sur son visage. La sueur mouillait ses cheveux. Une pente rocheuse d’où pendaient de longues stalactites et des racines pétrifiées, lui cachaient l’orage. Mais la lumière changeait et se faisait louche sur l’autre côté du vallon, où tout ce qui restait de pureté au ciel, lac éblouissant, s’était réfugié.

Cependant Germain Sourbets, demeuré le dernier, avait demandé à Mme  Fondespan de visiter l’étable qu’elle venait de faire réparer. Bien qu’elle fût occupée à donner des ordres, la vieille dame, après un regard jeté vers le ciel, avait commandé de lui apporter sa pèlerine. Des pas précipités retentirent dans l’escalier de bois bordé d’une rampe aux épais barreaux. On entendait, au premier étage, claquer les fenêtres et les contrevents que les servantes se hâtaient de fermer en prévision de l’orage proche. Une paysanne, couronnée d’un foulard dont le cornet tombait sur son cou, transportait dans le vestibule les chaises de jardin.