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REINE D’ARBIEUX

où viennent les noirs s’approvisionner d’indienne, d’épicerie et d’eau de Cologne. Sa mère l’avait supplié. Après trois années d’externat, allait-il perdre le bénéfice de tout son effort ? Elle n’avait qu’un fils. Cette Afrique, mangeuse d’hommes, lui faisait peur. Mais pendant l’année qui avait suivi sa démobilisation — et peut-être son énergie était-elle travaillée en secret par des ferments de découragement et de lassitude — il n’avait connu que des déboires : un de ses maîtres, qui lui avait promis un appui, ne l’avait pas pris dans son service ; puis un échec, un concours manqué. Sa foi faiblissait. Il lui semblait voir ses espérances se rétrécir. Jusqu’au jour où lui-même avait décidé, après un débat intérieur dont sa tristesse gardait depuis des mois les affres secrètes, de tout interrompre.

Comme Régis détachait ses yeux du vallon, il vit Sourbets à son côté.

— Vous embarquez demain, dit-il, sur quel paquebot ?

Il avait tiré un étui de sa poche et lui offrit une cigarette.

— Je n’aurais pas cru, continua-t-il, que vous lâcheriez si vite la médecine. Vous avez bien fait. Médecin de campagne, c’est un métier de chien. On roule sur les routes à toute heure. On n’est pas payé. Et en ville, à moins d’avoir une spécialité… la clientèle ne vient pas vite.

C’était un homme de taille moyenne, large d’épaules, brun de visage, aux yeux noirs et beaux,