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REINE D’ARBIEUX

Sa voix avait pris un timbre plus profond. Dans sa simplicité douloureuse, elle avouait le tra­vail auquel son âme s’était livrée, sa patience, sa résignation, son énergie pour tirer de l’épreuve une vie plus parfaite, celle-là même qui répandait à cet instant sur ses traits délicats une sorte de lumière.

Le soleil baissait derrière le vieux chêne. Régis se taisait, comprenant bien quelle beauté Clémence évoquait, et touché par l’atmosphère qu’il avait toujours respirée dans ce domaine — une atmos­phère des temps d’autrefois. Né pour la tristesse, plutôt que pour la passion et pour la douleur, il sentait se reformer en lui, s’enrichir dans l’éloi­gnement, les joies du passé. C’était là son trésor secret. Il avait sa part.

Comme il était vain que la jeune fille tout à l’heure lui eût suggéré de ne pas revoir Reine. Il n’en avait pas le désir. L’heure était passée. Clé­mence ne savait pas que la veille, comme il remontait à la nuit tombante la route de Grignols, il avait croisé une auto : à travers les glaces, à peine avait-il entrevu la jeune femme qui condui­sait, le visage brillant de jeunesse, et à son côté, un enfant coiffé d’un béret blanc. C’était Reine. Dans le jour déclinant, elle n’avait pas arrêté son regard sur ce passant. Mais lui, entre toutes, l’au­rait reconnue !

Peut-être valait-il mieux qu’il l’eût revue. Celle qui lui avait été si chère, ce n’était pas la femme de Germain Sourbets. C’était la jeune fille dont