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REINE D’ARBIEUX

petit domaine ; à peine le vieux chêne était-il un peu plus penché, le bignonia moins luxuriant contre le perron. Comme Régis attendait Clémence dehors, devant la maison, une émotion très douce le péné­tra. Il faisait beau. Des vaches paissaient dans une longue étendue de prés ; une métayère poussait une brouette chargée de fourrage vert. Nulle part il n’avait senti tant de paix.

À la place où il se trouvait, sous des ormeaux rapprochés qui formaient un bouquet de feuillage, la gouttière de Clémence était autrefois roulée. Lorsque Reine et lui arrivaient ensemble, en ces matinées où elle remplissait son carnier de fou­gères et de fleurs des champs, ils apercevaient de loin l’étroite voiture. Quelque chose en lui s’api­toyait ; il éprouvait, en approchant, le malaise qui trouble les natures sensibles devant les êtres frap­pés de quelque disgrâce. Il aimait tendrement la jeune fille. Il aurait voulu l’encourager. Mais à peine était-il près d’elle que les consolations sem­blaient inutiles ; avec son teint pâle, ses yeux où montait un grave sourire, elle-même paraissait voir bien au delà de l’heure présente.

Clémence, ayant reconnu Régis, s’était arrêtée un instant dans l’allée sans qu’il l’aperçût. Qu’il avait changé ! Avec une émotion infinie, elle cher­chait en lui l’adolescent qu’il avait été ; le jeune homme au sourire un peu absent, au regard lointain, qui toujours l’avait attirée. Pendant ces quatre années, elle l’avait accompagné d’une pensée fidèle, et, intuitive, pressentant qu’il n’était