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REINE D’ARBIEUX

que la lutte imprime, une longue habitude d’illu­sion absorbait la réalité. Dans l’éloignement du monde la solitude, les beaux songes durent. Marie Lavazan vivait dans son rêve.

Elle ne remarqua pas, dans la cour, le docteur qui tournait autour du puits. À la façon dont il grommelait entre ses dents, elle aurait pu voir qu’il ruminait une grosse colère.

— Joli résultat, grondait-il, un homme fini !

Mme Lavazan et son fils s’étaient assis au salon. C’était une pièce assez délabrée, au plafond zébré d’une longue fente. Avec ses murs couverts d’un papier gris, relevé d’une bordure verte, ses meubles d’acajou, une table ronde, et une pendule décorée d’une bergère en bronze doré qui se reflétait dans une vieille glace, il ressemblait à beaucoup de salons de campagne.

Les fenêtres étaient ouvertes sur le vallon. Régis se pencha. La charmille, la terrasse de La Font-de-Bonne, baignées de soleil, sur l’autre versant, tout cela était comme autrefois.

« Non, pensait-il, les nerfs crispés, tout est détruit. »

Que lui faisait cette maison vide ? Ces chemins où Reine et lui ne passeraient plus ? L’amour même n’existait pas. N’avait-il pas suffi de quelques mois pour qu’elle l’oubliât ! Certes, il n’aurait pas voulu la lier par une promesse ; mais quel espoir inavoué avait-il gardé pour que sa déception eût été si vive ? C’est le pire des suppositions chimériques de vous faire voir partout des délais. Il revenait. Elle était