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REINE D’ARBIEUX

volonté ? L’inconnu ne l’attirait pas. Plutôt que de se jeter dans l’action, si dévorante en ces pays chauds et barbares, où tant de convois s’en vont vers la mort, il temporisait, apprenait l’arabe, fournissait d’excuses sa vie stagnante. Mais quelle tristesse de rentrer en France, désabusé, le visage déjà flétri, avec le sentiment que l’exil n’a servi à rien !

Le soir où il arriva — un soir de juillet où de gros nuages voyageant très haut faisaient glisser sur le vallon vert un rêve de montagnes, de neiges éternelles — sa mère le contempla avec des yeux brouillés de larmes. Était-ce seulement la joie, l’émotion ? Elle ne voulait pas s’avouer combien il avait vieilli. Les traits du visage semblaient distendus. Il avait l’air las. Sur ses tempes, quelques cheveux blancs mettaient une marque d’usure précoce. Mais dans son visage défraîchi, couleur de bronze, le regard plus clair gardait des douceurs d’enfance.

Elle tressaillit, devinant en lui des fatigues, des chagrins que ses lettres n’avaient pas dits.

— Il ne faudra plus rester si longtemps…

Déjà s’effaçait le bref éclair qui frappe au cœur… Puisque son fils était là, et que ses lèvres rafraîchissaient sa face brûlée, elle saurait bien le faire renaître. Quel âge avait-il donc ? Trente-deux ans à peine. Qu’il en parût ou non quarante, sa vie commençait. Il était jeune. Dans son cœur de mère, où Régis était toujours resté l’enfant, le jeune homme comblé de tous les dons, pur des stigmates