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REINE D’ARBIEUX

Le jour se levait. Derrière le paquebot qui fen­dait le fleuve, haut et puissant, un sillage superbe s’élargissait où dansaient les barques légères, les barques des pauvres, que le remous semble jouer à culbuter, de sa large épaule.

Jusqu’au dernier moment, Adrien, adossé au bastingage, avait tenu bon. Mais lorsqu’il avait entendu monter, profond et rythmé, le chant des hélices, la sensation aiguë de sa douleur le déses­péra. Il y avait en lui un homme affolé qui aurait voulu revenir en arrière, sauter sur le quai, un homme auquel il ne cédait pas. Il entrevit la soli­tude de la traversée, le désert de l’exil ; l’angoisse d’aller en sens inverse de ses passions, de ses désirs, toujours plus loin de ce qu’on quitte ! Mais comment serait-il resté ! « Vous partirez, j’ai votre parole, » avait écrit Reine. Elle l’avait traité en honnête homme. Il avait promis. Il payait. À tra­vers son épuisement, il sentait monter comme un arôme la pensée que sa défaite en était lavée.


XVI


Pendant que les passions soulevées autour de Reine s’affrontaient ainsi, et que le duel était réglé par l’élimination d’un des combattants, des bruits singuliers commençaient à circuler dans le