Page:Balde - Reine d'Arbieux, 1932.pdf/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
REINE D’ARBIEUX

nière l’imprégnait d’une sorte de paix. Au fond de son être torturé depuis deux mois par une souffrance physique et morale, sans cesse refoulée toujours renaissante, une joie muette commençait à sourdre.


II


« Ce soir encore et demain il sera parti, » se disait Reine. Elle allait de l’un à l’autre, distribuant des verres d’orangeade. Tout à coup elle s’arrêtait, l’air absorbé. Elle regardait le vallon. Ses bras nus pendaient sur sa robe lâche.

Justement Régis, qui s’était assis sur la banquette de pierre, la tête découverte, ne s’était pas une seule fois trouvé près d’elle. Les autres jeunes filles l’avaient entouré ; les petites Dutauzin, Thérèse Rivière qu’elle voyait de dos.

À quoi bon le chercher lorsqu’il se taisait ? S’il l’avait aimée, il n’aurait pas attendu ce dernier soir pour le lui dire. Elle songeait au bonheur étouffé qu’elle avait vécu depuis deux mois, dans une continuelle déception du cœur ; heureuse pourtant, puisqu’il était là ! C’était ce soir que se désengourdissait le fond de souffrance assoupi en elle, terrible comme ces bêtes qui se réveillent, quand elles ont faim.

Un instant, les jeunes filles s’étant écartées, il