Page:Balde - Reine d'Arbieux, 1932.pdf/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
REINE D’ARBIEUX

la table, il s’était promis de ne poser aucune ques­tion. Mais, à peine avait-il jeté les yeux sur la note, qu’une exclamation monta à ses lèvres. Il la retint, parut réfléchir.

— Est-ce qu’il y a une erreur ? demanda Mme Duluc, une petite femme nette et soignée, d’un ordre méticuleux, qui avait vu sa bouche se crisper.

La sonnerie du téléphone les interrompit.

Quand elle raccrocha le récepteur, il avait repris son air impassible.

— C’est deux chambres que j’avais retenues cette nuit, dit-il, le doigt posé sur la facture.

— Oui, monsieur, répliqua-t-elle, satisfaite que l’erreur fût déjà rectifiée, mais la dame qui est partie cet après-midi a payé la sienne.

Elle avait ouvert le tiroir de sa table.

— Cette dame a laissé une lettre pour vous.

Lorsque Bernos arriva devant le Lotus, il y avait trois heures que ces choses s’étaient passées. Il n’avait plus la notion du temps. Il était à vif. Pour ne pas revenir sur sa décision et partir quand même, partir sans elle, il avait fait un effort presque mécanique. Maintenant, appuyé à une rampe, au-dessus du quai, il n’acceptait pas encore d’être hors de combat. Saccagé, il n’avait pas brûlé toutes ses réserves d’énergie nerveuse. C’est qu’il était de ces coureurs qui roulent à terre, une veine rompue, en touchant le but ; non point de ceux qui abandonnent !

La nuit passait. Le brouillard, poussé par un