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REINE D’ARBIEUX

lement humain était si rapide. Plusieurs fois déjà, l’apparition d’un visage, d’une silhouette lui avait martelé le cœur. En vain ! Il se rapprocha et dis­parut dans un groupe massé devant le hangar, large haie vivante, à une place obscure.

Il y avait là, cachés dans l’ombre, des couples enlacés, répandant une sorte de sourd murmure qui pénétrait cette nuit d’une chaleur humaine. D’éphémères plaisirs, des amours de passage se dénouaient ; des ménages se disaient adieu. Tout contre Sourbets, une jeune femme, simplement vêtue, sanglotait sur l’épaule de son mari.

Il se détourna :

— Quelle comédie !

Le temps passait. Les arrivants se faisaient plus rares. Au bas de la passerelle jetée entre le quai et le paquebot, un famélique sergent de ville les dévisageait ; et, à son côté, un douanier obèse. Sous un réverbère, une fille allait et venait. Le point de feu de sa cigarette dansait dans la brume. Du col de fourrure, dégrafé sur sa gorge nue, surgissait une fine tête d’Espagnole, nerveuse, impudente, riant de toutes ses dents au sous-officier qui l’ac­compagnait.

Adossé au mur du hangar, Sourbets se rongeait :

— S’ils étaient passés sans que je les aie reconnus !

Mais c’était impossible. Dans les ténèbres mêmes, un instinct puissant l’eût averti. Il aurait flairé leur présence. Il les aurait vus.

— S’ils ne venaient pas !