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REINE D’ARBIEUX

de la voix, où rien de sincère ne vibrait jamais, aucune chaleur d’âme, mais qui surprenait par de brusques sautes, comme si le registre en était changé. Où avait-elle entendu ce genre de débit ? Elle fit un effort : Ah ! au théâtre… lorsqu’il y avait de mauvais acteurs, qui mimaient l’amour sans rien éprouver.

— Je vous en prie, répliqua-t-elle durement, ne vous moquez pas. Vous avez cru que les choses avec moi iraient toutes seules… qu’il suffirait d’un peu de sentiment ! Il est vrai que je vous ai donné le droit de me croire sotte…

Il avait envie de l’écraser par un mot méchant. C’eût été si simple de lui dire qu’elle s’était « jetée à sa tête ». Ne l’avait-elle pas reçu en l’absence de son mari ; pis que cela, relancé dans le moulin même ! Et son amitié ? Et ses confidences ? Quand une jeune femme accepte des rendez-vous dans un bois désert, pour raconter ses désillusions, est-ce qu’un homme ne sait pas ce que cela veut dire ? Elle l’avait donc pris pour un idiot ! Mais, cette fois encore, il se ressaisit, se fit petit, à la manière des solliciteurs, même pleins de superbe, qui jugent politique de se composer pour une heure la plus triste mine.

— Allez-y, dit-il, soyez méchante… Que voulez-vous que je vous réponde ? C’est précisément cette vivacité qui vous fait si délicieuse. Je devrais être blessé et je vous admire. Vous m’éblouissez ! Ce ne sont pas des compliments. Je sais que vous êtes trop au-dessus de moi… Le fils d’un suicidé,