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REINE D’ARBIEUX

Comme elle portait une robe ouverte, en laine moelleuse, qui découvrait un peu son épaule, il aperçut dans le creux de l’omoplate une marque brune ; et aussi, sous la manche courte, la trace des doigts qui l’avaient meurtrie.

— Ah ! s’écria-t-il, d’un ton de triomphe, il vous a frappée. Vous ne pouvez pas dire que ce n’est pas vrai. Les mauvais traitements, vous savez que c’est un cas de divorce !

— Taisez-vous, dit-elle avec horreur, lui arra­chant son bras qu’il avait saisi.

Il venait d’élever la voix, et elle reconnaissait son accent vindicatif, une âpreté qui confirmait ses pires soupçons.

— Qu’est-ce que cela me fait ? continua-t-elle, emportée par l’ardent désir de sincérité qui faisait le fond de sa nature.

Elle venait de sentir que les brutalités de Ger­main ne lui laissaient aucune haine et qu’à l’ins­tant même où il la frappait, s’acharnait sur elle, avec l’instinct profond de la possession, elle n’éprou­vait aucune autre honte que de paraître à ses yeux ce qu’elle n’était pas.

Elle avait relevé la tête et le regardait en face :

— Ah ! dit-elle, comme vous le détestez ! Avouez donc que si vous m’avez attirée dans ce piège, ce n’est ni par amour, ni par surprise. Il ne sert à rien de nier : vous avez voulu vous venger.

Il haussa les épaules.

— Ma pauvre amie, vous devenez folle !