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REINE D’ARBIEUX

— Qui est là ? demanda une voix altérée, quand il eut frappé à la porte.

Il entra, et vit qu’elle était à moitié couchée dans un fauteuil.

— Ce n’est rien, dit-elle, sans ouvrir les yeux, j’ai mal à la tête.

Depuis son réveil, attendant cette visite d’Adrien, elle avait senti bouillonner le mépris, la douleur et l’indignation, tout ce que remuaient les découvertes de la nuit dernière.

— Ce n’est plus la peine de mentir, se proposait-elle de lui dire. Je sais qui vous êtes…

Mais, quel que fût le désordre de ses sentiments, sa nature répugnait à l’offense et aux insultes. Il y avait dans toute explication de ce genre une vulgarité dont la pensée soudain l’accabla.

— Laissez-moi, dit-elle, d’une voix tremblante, comme étranglée par l’émotion. Vous m’avez fait assez de mal !

Elle l’entendit qui la suppliait de s’apaiser, ne répondit rien. Deux longues larmes coulaient sur ses joues. « N’est-ce pas vous-même, répétait-il, qui m’avez dit combien vous étiez malheureuse ? » Mais il sentait que le charme entre eux était rompu et que ses paroles ne l’atteignaient pas. Jamais plus elle ne serait celle qui avait traversé un après-midi, inopinément, le pont du moulin, ou qui l’attendait dans le bois au bord du Ciron. Quelque chose de plus puissant qu’eux l’avait reprise. Par quel miracle, aujourd’hui qu’elle semblait à sa merci, lui échappait-elle plus complètement ?